PARDONNE-MOI, JE N'ÉTAIS QU'UNE ENFANT
Introduction
Les jours, les années, les mois ont passé et la vie suit son cours. Qu’il nous arrive des incidents graves ou bénins, la vie ne s’arrête ni pour vous ni pour moi ! Je l’ai bien compris.
Est-ce que je suis heureuse ? Bien sûr, quelle question ! Est-ce que je suis une personne posée ? Bien entendu !
Mais le bonheur peut-il régner lorsque dans notre tête quelques portes du passé ne se sont pas refermées ?
Peut-être qu’au fond de nous, nous ne voulons pas les refermer, qu’on veut juste des réponses, mais sans vraiment les chercher. Peut-être aussi que par moments, on aime avoir ce sentiment d’incompris et avoir un coup de cafard où l’on se plonge dans nos souvenirs que seuls nous-mêmes connaissons. Je dirais même que peut-être nous aimerions nous retrouver avec notre autre nous… notre ombre.
Car c’est elle seule notre ombre, qui reflète ce que nous sommes vraiment.
Chapitre I
Dans une des portes non refermées du passé, je me replonge souvent au-delà de mes sept ans. Nouveau quartier, nouvelle école, nouvelle maison de maître où l’on peut presque se perdre. Elle était à la fois belle et un peu effrayante. Personne ne nous a demandé notre avis, à ma sœur ou à moi, pour ce déménagement ! Apparemment, l’ancienne maison où nous étions locataires s’était vendue, donc l’achat de cette maison fut un peu précipité. J’avoue que nous avons été très heureux dans cette maison.
Nous venions d’un quartier assez bourgeois. La nouvelle maison se trouvait dans un super quartier mais c’était le quartier bobo. Par contre, les écoles, j’avoue, n’avaient rien à voir avec celle d’où je venais ! D’ailleurs, lors de mon premier jour d’école, la prof s’était absentée et avait confié la surveillance à une élève grande comme une perche. La prof à peine sortie, tous se sont mis à courir partout, à se battre, chanter, bref le chaos. La grande perche qui était censée surveiller était en train de dessiner au tableau les jambes écartées d’une femme qui avait ses règles. J’avais sept ans, je ne comprenais pas son dessin. Il m’en a fallu du temps pour comprendre.
Dans ma classe, il y avait une fille black. Je ne faisais que la regarder, je n’en avais jamais vu d’aussi près. Ça paraît bizarre de dire ça aujourd’hui, mais c’est la vérité.
En parlant de ça, notre maison était située à quelques minutes du quartier africain, j’ai fait des cauchemars pendant longtemps !
Je rêvais souvent qu’un Africain me courait après pour manger ma tête. Quand j’y pense, je me sens vraiment conne !!
C’était l’époque encore où l’on rentrait seules de l’école, enfin avec ma sœur. Au début, mon papa nous accompagnait et venait nous chercher pour qu’on apprenne le chemin de la maison. Lorsqu’on sortait de l’école, des groupes étaient organisés selon la direction qu’on devait prendre pour rentrer chez soi.
Au bout d’une semaine, nous allions seules à l’école. Le premier aller du matin s’était super bien passé.
À la fin des cours, ma sœur et moi avons suivi un groupe qui n’était pas le nôtre. On s’est retrouvées dans un grand carrefour bondé de voitures, de bus, des feux partout ! Arrêtée à un feu rouge, je me demandais si je devais aller à gauche ou à droite. J’étais vraiment perdue et je ne voulais pas montrer ma peur à ma petite sœur. Au moment de traverser la rue, un homme s’est approché.
Je me rappellerai toujours ses petits yeux derrière ses grandes lunettes carrées ! Il portait un trench dans les tons beiges avec un col roulé rouge et un pantalon pattes d’éléphant marron avec des espèces de carreaux ou des losanges un peu jaunes. Ce qui m’a marquée était ses mains dans ses poches.
Il s’est approché et m’a demandé si je savais lire, j’ai répondu que oui. Il m’a alors demandé si je pouvais lire un nom sur une boîte aux lettres, soi-disant qu’il ne savait pas lire, naïve, j’ai dit oui !!
Ma sœur et moi l’avons suivi. On avançait, on avançait sur une rue qui descendait sans savoir où nous allions. L’homme regardait derrière lui sans cesse et sans dire un mot comme s’il attendait quelqu’un. Un moment, je lui ai demandé si c’était encore loin, il m’a répondu que non ! Tout ce temps, il avait ses mains dans ses poches. Nous sommes arrivés sur une grande place, l’homme regardait un peu partout. Il s’est arrêté un moment, puis il nous a dit de rentrer dans un immeuble où se trouvaient des boîtes aux lettres. Il m’a demandé de lire les noms, comme c’était trop haut, il m’a soulevée… Je lisais les noms, sans savoir ce que je disais.